Au joli temps du capitalisme de Papa, on exploitait le sang
des hommes. Mort à la mine. Mort en mer. Mort sur un chantier ou dans un
champ. Mort à la guerre. Mort l’outil ou l’arme à la main.
Comme un homme doit savoir mourir avant son temps personnel,
avec son temps idéologique.
Aujourd’hui, le capitalisme a bien changé. D’abord, Papa
a été jeté aux orties, comme grand-mère. C’est Maman qui commande à la
maison et qui souffre au travail. Papa ne sert plus à rien : des machines,
des techniques, des procédures, l’ont ramené à sa place : ce père
m’ a tôt zoïdée, qu’il aille se faire pailleter, et me permette d’être
heureuse comme les Droits de l’Homme l’ordonnent.
En famille, pas besoin de revolver. Plus besoin de le pousser
dans les escaliers de la cave avant de plaider qu’il était in-femme. Il
suffit d’engager la procédure comme on engageait jadis les balles dans le six
coups. Il y a des professionnels pour cela. Des femmes et des hommes qui
s’indignent de la violence des autres, qui s’enorgueillissent que la peine
de mort officielle (trois cas par an) n’existe plus mais qui oublient qu’un homme se tue tous les jours en sortant d’odieuse audience.
Au travail, on meurt moins dans une galerie, dans un lit
d’hôpital public, sur un chantier, même si l’on meurt encore trop souvent
sur la route. Mais on se consume à petit feu en cherchant un emploi qui n’est
plus offert, en cherchant à rester utile malgré les injonctions de changement
pour servir le profit, en essayant de ne pas perdre son âme pour servir un
capitalisme devenu financier, abstrait, théorique, presque virtuel.
Et quant à la patrie, dernier volet du pétainisme, celles
et ceux qui sont censés la représenter sont en total divorce avec les besoins
sociétaux contemporains. Ségolène Royal ferait mieux de s’excuser de la
collaboration de la prétendue gauche avec le capitalisme financier, la
pollution généralisée, et l’effondrement de nos idéaux civilisés, plutôt
que de ne pas s’excuser du divorce des Berlusconi…Et quant au coucou des
bois Sarkozy et à sa xième femme, j’ai changé, (c’est bon pour
ma pomme ), qu’il fasse un jour autre chose que du droit de travers
serait aussi étonnant que si le coucou s’excusait de parasiter le nid des
autres…
Dans notre phase sociétale pré-terminale, les seigneurs ne
sont plus des saigneurs. On exploite l’argent, plus les hommes qui ont produit
l’argent.
Les seigneurs ont à présent oublié l’Homme, celui
qu’ils ignoraient déjà avant 1789.
On exploite le travail.
L’Homme au travail ? Qu’il aille se pendre s’il a
tout perdu, et se faire soigner, s’il est stressé (nous avons de très très bons psychiatres). Ou qu’il dépose plainte pour
harcèlement (nous avons de très très bons députés qui ont fait une loi pour
cela, et de très très bons avocats et juges pour faire fructifier ce genre
d’affaires) .
Et le sens du travail humain, qu’on n’en parle plus.
L’odeur de l’argent suffit pour que le loup soit attiré.
On exploite la famille.
Un couple et des enfants ? Trois bonne raisons pour
faire des affaires. L’une a raison d’avoir des droits, l’autre a raison
d’avoir des miettes, et les enfants ont des droits eux aussi, que seuls des
experts peuvent ordonner.
Une famille c’est bien joli si ça rapporte aux messieurs
dames qui ont fait des études de droit. C’est joli comme jadis l’était un
filon de mine exploité par des ploucs qui n’avaient pas fait d’études
d’ingénieur.
Le suffering business ultra libéral bat son plein. Pas une
peine de mort, pas un coup de revolver, pas un mot plus haut que l’autre. De
grands principes humanitaires. Et tous les jours dix hommes qui tombent,
catalogués forcenés déprimés psychotiques… Droidlomme par ci, droidlomme par là. Et
des milliards de roubles, pesetas, lires, euros, francs, dans la poche des
Mag-houilleurs, des grands exploitants modernes des filons de jadis, des filons
de toujours…
Pascal Dazin, Médecin du travail
5 mai 2009